dimanche 23 septembre 2007

Sortie

Ici, le week-end commence le jeudi. Pas que nous ayons des week-ends de trois jours. Non. C’est que dans l’Islam, le jour de prière est le vendredi, et donc les deux jours de repos hebdomadaire sont le vendredi et le samedi. C’est alors assez drôle, le jeudi de dire à ses élèves : « N’oubliez de faire vos devoirs pour dimanche ! »
Pour ce qui est de sortir, le quartier dans lequel j’habite, El Maadi, pas trop loin du désert urbain où se trouve mon école, n’est pas l’idéal pour se faire une idée de la vie nocturne et sociale cairote. Il y a quelques cafés et restaurants, un embarcadère à felouque. Mais on est loin du fourmillement qu’on imagine en arrivant ici. L’avantage est que je ne suis pas loin de mes collègues et que pour partager un taxi pour aller et revenir de l’école, l’affaire est simplifiée.
Néanmoins, un collègue, Monsieur F., fraîchement arrivé cette année comme moi, habite à Doqqi, près du centre du vrai Caire. Les circonstances et sa volonté ont fait qu’il se refusait catégoriquement d’habiter à Maadi. Il veut vivre pleinement son expérience égyptienne. Comme il est en collocation avec deux types (un canadien d’origine indienne et un norvégien) qui ont déjà une assez bonne connaissance des bons plans locaux, il est rare que le soir il passe beaucoup de temps chez lui. Hier soir, premier jour du week-end et aussi du Ramadan, il me propose de me rendre là-haut pour une soirée bière dans un bar mythique de la ville et continuer avec sushi-narguilé au bord du Nil.
Mon trajet en métro jusqu’à chez lui étant sans réel intérêt, je rentre dans le vif du sujet. Après que j’eus posté mon précédent article, nous voilà F., le Viking et moi en direction de Down Town Cairo. On hèle un taxi. Et nous voilà tous trois dans un Fiat 500 de la fin des années 60 (modèle le plus commun parmi les taxis avec la 504 Peugeot). Classique ? Pas du tout du tout. Le type avait tenté une customisation de l’intérieur de son véhicule. Oh Dieux du Tunning que n’avez-vous fait ? Les protèges appuis-tête en peluche Tigrou et les néons violets ne sont rien à côté de la sono. Lecteur de DVD en lieu et place de l’autoradio, écran à droite du tableau de bord pour mater des clips de tubes égyptiens. Pas une basse dans les enceintes crachottantes. Des sons aigus AFLB dans les tympans, F. ne peut rien me dire des quartiers qu’on traverse et qu’il commence à bien connaître. Hagar du Nord tente bien de faire comprendre à notre chauffeur que ce serait sympa de baisser un peu le volume. Mais l’autre, fier comme un paon de son installation, nous en remet une couche supplémentaire. Finalement, après la traversée de deux ponts et la perte de 75% de nos capacités auditives, on arrive devant ce qui doit être le café le plus sympa du Caire. Habituellement, le lieu est bondé à gauche de l’établissement de joueurs d’échecs fumant la chicha ; la droite étant quant à elle remplie de buveurs de bière fumant la chicha. En ce mois de Ramadan, les lieux fréquentés essentiellement par des locaux ne vendent plus d’alcool. Du coup, le troquet est vide. Trois pèlerins sirotent du 7up. On se retrouve comme des cons, nous qui étions partis pour une soirée de débauche. Je commence à penser à Zeller et à sa recherche frénétique de prostituées. Dans notre cas, il s’agit d’alcool. Pas de problème, nous irons, quitte à payer un peu cher, dans l’un des grands hôtels qui borde le Nil. Olaf Grossbaf suggère le Nile Hilton qu’il connaît bien. Quand on arrive au Café du Champs de Mars, pub qui a un petit côté anglais, il est accueilli comme le propriétaire des lieux. Trop fort. On s’enquille une bière et des cahouètes en conversant avec le barman. Bières bues et arachides mangées nous voilà partis pour Zamalek dans un taxi d’une banalité qui nous fait presque regretter celui de Jacky Touch Al Arabia.
Zamalek est un quartier super bourgeois où vit et se retrouve la jeunesse dorée du Caire et des ambassades. Notre destination finale étant le Séquoia, un resto sur les bords du Nil, qui offre toute une variété de nourriture orientale, mais également des sushi dont voulons faire notre pitance. Pas de bol, pendant Ramadan, il ne serve ni alcool (logique) ni sushi (sic). On se console de l’absence des sushi avec une chicha parfum jasmin pour F et moi et goût melon pour Ole Gunnar. Et puis ça nous permet d’attendre le troisième colloc’ et un pote d’un pote à lui. Ils arrivent, on tente de déchiffrer la carte et on commande des métzés et un peu de barbaque à partager. On tente de faire connaissance à base de « What exactly are you doing in Cairo ? », et de « Did you choose Egypt on purpose ?» etc. Mais voilà que commence à entrer de manière continue des filles aussi jolies les unes que les autres. Et la prise de contact qui aurait pu prendre 15 minutes s’éternise pendant toute la durée du repas, perturbés que nous sommes tous par ce va et vient de bombes, orientales et occidentales. Bouches bées et soupirs interrompent la réponse de l’un ou l’autre. Je décide alors de me détacher de la conversation qui ne mène nulle part. Je me vautre dans mon fauteuil, contemple les felouques Vodafone et les allées et venues des belles en tirant sur le tube de mon narguilé que j’agrémente de gorgées de jus de mangue. Je sens que pour moi la soirée va se terminer assez rapidement. Pour tout le monde d’ailleurs.
Pour rentrer, point de métro. Je m’embourgeoise en taxi. A nouveau une Fiat. Seul hic (en plus de tous ceux inhérents à un véhicule plus vieux que moi), le pilote se prend pour Daniel Morales. Je vois ma vie défiler plusieurs fois devant mes yeux. J’essaie de trouver un endroit qui pourrait me protéger (pas de la mort mais de la défiguration, pour pouvoir être identifié par ma famille) en cas d’accident. Arrivé devant mon immeuble, alors que je rêve déjà à mon lit et à la manière dont vont me bercer les souvenirs du Séquoia, je constate avec effroi que la porte est fermée. Je sonne le concierge. Rien. Je secoue et tape la porte. Toujours rien. Il est 1h30 et je commence à perdre mon sens de l’humour. J’appelle la proprio (qui ne m’a toujours pas fait réparer la fuite de ma machine à laver). Elle essaie de trouver des excuses que je réfute de manière un peu grossière et lui dit qu’il est hors de question que je dorme dehors. Finalement, le concierge arrive essoufflé et penaud. Je peux enfin dormir
Cette nuit j’ai rêvé que j’avais un blender et un radio-réveil et que je me préparais des jus de mangue. Où sont donc passées les jolies filles du Séquoia ?

A bientôt.

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